Les rencontres des Amis du musée Fabre

 

(Auditorium du musée Fabre de 18h30 à 20h)

 

Programme 2026

 

L'interprétation des œuvres d'art

 

« Pour éveiller un intérêt chez le spectateur, une œuvre d’art doit transmettre directement au moins une signification », M. et R. Wittkower, Les Enfants de Saturne, 1963

 

Mercredi 28 janvier 2026

L’interprétation est-elle nécessaire à l’existence d’une œuvre d’art ?, par Patricia Touboul, MCF en esthétique et philosophie de l’art, département de philosophie, Institut de recherche sur la Renaissance, l’Âge classique et les Lumières (CNRS-UMR 5186), Université Paul-Valéry-Montpellier

« Se rappeler qu’un tableau, avant d’être un cheval de bataille, une femme nue ou une quelconque anecdote, est essentiellement une surface plane recouverte de couleurs en un certain ordre assemblées ». En écrivant ces lignes en 1890, le peintre Maurice Denis laisse entendre qu’un tableau doit d’abord être regardé comme un tableau, c’est-à-dire une combinaison de formes et de couleurs, et non comme un signe qui renverrait à autre chose : une femme ou un cheval. 

Est-ce à dire que la question de ce qu’une œuvre d’art représente, exprime ou signifie, et qui implique une interprétation reliant l’image à ses sources, serait vaine, s’il n’y a rien à questionner au-delà des couleurs, des formes, ou des mots ? 

Nous analyserons la pertinence de ce point de vue, en examinant le rôle de l’interprétation dans la manifestation et le devenir d’une œuvre d’art.

 

Jeudi 19 février 2026

Titrer une œuvre ? Petite histoire d’une coutume qui influence notre compréhension, par Nadeije Laneyrie-Dagen, Professeure d’histoire de l’art émérite à l’École Normale Supérieure, auteure de monographies (Rubens…), de manuels (Lire la peinture, Histoire de l’art pour tous), d’ouvrages thématiques (L’invention du corps…), d’essais (Cacher / montrer. Une histoire des œuvres invisibles en Occident) et de fictions (L’Étoile brisée)

Les titres des catalogues sont des dogmes rarement mis en cause : pas question pour un auteur, de les transformer à sa guise. Or les œuvres n’ont pas toujours été titrées. L’histoire des titres commence avec l’âge de l’histoire de l’art : celui du marché, celui des musées. Dans les inventaires de notaires jusqu’au XVIIIe siècle, on se contente de décrire ce que l’on voit. Mais la dénomination donnée après coup oriente notre interprétation. On suivra l’aventure et la mésaventure du titrage, des Courtisanes de Vittore Carpaccio — une peinture d’avant 1500 — à la fameuse Origine du monde de Courbet (1866). On examinera comment les artistes, à partir de la fin du XIXe siècle ont, par réaction à un phénomène qui leur échappait, choisi de titrer eux-mêmes leurs œuvres, comment ils ont joué de ces titres, ou en ont sciemment amputé l’effet interprétatif (Sans titre).

 

Jeudi 19 mars 2026

Le Verrou de Jean Honoré Fragonard : ode à la passion amoureuse ou dénonciation des violences faites aux femmes ?, par Juliette Trey, conservatrice générale du patrimoine, directrice du musée Fabre

Le Verrou de Jean Honoré Fragonard (vers 1777-1778, musée du Louvre) fait partie des œuvres les plus connues de l’artiste. Son sujet apparemment simple, clairement érotique, a cependant suscité des interprétations multiples et parfois très divergentes chez les historiennes et historiens de l ’art. Le contexte intellectuel de la France des années 1770, la personnalité du commanditaire de ce tableau, le pendant qui l’accompagnait, ainsi que les autres œuvres de Fragonard sont autant d’éléments qu’on peut convoquer pour proposer une interprétation du Verrou au plus proche de celle des contemporains de l’artiste.

Nous verrons enfin comment cette manière d’interpréter les œuvres peut s’appliquer aux scènes à sujets érotiques des mêmes années, en prenant l’exemple des Œufs cassés d’Étienne Théaulon (1777, musée Fabre), une toile qui a rejoint les collections du musée en 2025.

 

Jeudi 9 avril 2026

Le divin dans la peinture classique : controverses anciennes et modernes, par Matthieu Fantoni, conservateur du patrimoine au musée Fabre

La représentation divine est l’un des enjeux les plus sensibles de la Contre-Réforme. Les artistes et leurs commanditaires adoptèrent différentes stratégies pour répondre aux nouveaux dogmes de l’Église, de la théâtralité baroque à l’approche allusive d’un "deus absconditus" (Dieu caché). La conférence présentera ces variations sur un même thème, ainsi que les problèmes d’interprétation qu’elles posent jusqu’à aujourd’hui aux historiens de l’art. Nous nous attarderons ainsi sur les figures de Sébastien Bourdon, peintre protestant, et de Nicolas Poussin, qui a alimenté un débat de plusieurs années entre tenants de la vision d’un artiste "libertin" et ceux qui interprétèrent au contraire sa production comme profondément marqué par la pensée chrétienne.

 

Vendredi 29 mai 2026

L'interprétation : une question de référentiel ? L'exemple de l'église Sant'Ivo de la Sapienza de Borromini, par Bernard Blandin, Directeur de recherches CESI émérite

Après avoir été ignorée, ou même vilipendée, l'architecture baroque n'a été considérée par les historiens de l'architecture qu'à partir des années 1970. Les analyses et interprétations qui en sont faites alors prennent comme référentiel la Contre-Réforme et ses images.

L'architecture de Borromini, souvent qualifiée de fantasque ou d'incohérente, a fait l'objet de plusieurs interprétations selon ce référentiel, qui déploraient une déviance parfois importante.

L'hypothèse d'autres référentiels a été soulevée plus récemment, comme par exemple la philosophie néo-platonicienne et son imagerie.

J'en proposerai un troisième : la "philosophie hermétique", prisée des élites de l'époque. L'interprétation à la fois formelle et iconologique de Sant'Ivo de la Sapienza à la lumière de ce référentiel révèle une grande cohérence entre les images et la forme, qui fait de cette œuvre une représentation dynamique du Grand-Œuvre Hermétique.

La conférence présentera ces trois interprétations, en insistant plus particulièrement sur la dernière, jusqu'ici inédite.

 

Jeudi 11 juin 2026

Conflits d’interprétations, par Édouard Aujaleu, professeur agrégé de philosophie, ancien professeur de classes préparatoires

La peinture des anciens Pays-Bas n’est-elle qu’une description du monde fondée sur un savoir reposant sur des observations et sur la méthode expérimentale ou exprime-t-elle des valeurs morales ? Quand Vincent Van Gogh peint une Vieille paire de chaussures (1886) veut-il donner une image de lui-même ou exprimer l’enracinement de l’homme à la terre ? Sigmund Freud commet-il une erreur
d’interprétation lorsqu’il relie la Sainte Anne (1503-1519) de Léonard de Vinci à un souvenir d’enfance de son auteur ou ouvre-t-il la voie à de nouvelles perspectives interprétatives ?

Ces conflits d’interprétations posent la question de la validité de toute tentative de dégager un sens fiable des œuvres d’art. Les divergences d’analyses peuvent être rattachées à la pluralité des méthodes, des sensibilités et des visions du monde, comme à l’évolution des savoirs. La conférence se propose d’exposer ces trois exemples de conflits d’interprétations et d’en comprendre les raisons.

 

*Entrée libre dans la limite des places disponibles

 

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