19 mai - 07 novembre 2021
Pour sa réouverture tant attendue, le musée Fabre met à l’honneur trois artistes contemporains dont les œuvres, toiles et dessins, ont récemment rejoint les collections du musée.
Issus de trois générations différentes, Pierrette Bloch, André-Pierre Arnal et Stéphane Bordarier se sont tous trois intéressés à la matérialité de la peinture, élaborant de nouvelles techniques picturales mises au cœur de leur pratique. Si Pierrette Bloch fait goutter la peinture, point après point, sur le papier ou sur la toile disposée à l’horizontale, noue consciencieusement le crin, inscrit de larges traces blanches au pastel, André-Pierre Arnal plie, froisse, ficelle la toile, colle et décolle le papier. Stéphane Bordarier développe quant à lui une technique picturale qui se rapproche de celle de la fresque, dans laquelle la couleur est prise dans la colle encore humide, induisant l’urgence du geste.
Artiste singulière, Pierrette Bloch (1928 – 2017) n’a montré sa vie durant qu’une part modeste de son travail. Les quatorze œuvres de Pierrette Bloch entrées dans les collections du musée Fabre en 2019 sont intimement liées aux « errances », aux moments de bascule de la carrière de l'artiste dont elles donnent un riche aperçu, couvrant sept décennies de création. Des croquis de mimes jusqu'aux pastels à l'huile sur fond noir des dernières années, la démarche créative de l'artiste se conçoit comme une tentative, sans cesse recommencée : le peintre Michel Parmentier parlait en ce sens de la « quête acharnée et aveugle » de son amie artiste, proche également de Pierre Soulages.
Pierrette Bloch fut attentive au travail des membres du groupe Supports/Surfaces dont fit partie André-Pierre Arnal. Ce dernier, né en 1939 à Nîmes, vit et travaille à Montpellier, dans les Cévennes, ainsi qu’à Paris. Après un bref passage par Montpellier, il prend part à l’aventure du groupe en 1971 : l’utilisation de la toile libre, le refus du pinceau, la banalité du matériau, sont autant de moyens pour laisser visible et immédiatement perceptible la manière dont la toile est faite. La question du protocole est également au cœur de son travail : en 1968, il débute la série des « frottages » et des « froissages », avant d’approfondir le « pliage comme méthode ». Le développement dans l’espace et le rythme créé par la succession des peintures aérosols, produites de manière quasi sérielle, est une donnée importante du travail de l’artiste : « chacune de mes peintures […] n’est qu’un morceau d’un grand ensemble qui se développe dans le temps et dans l’espace » confiait-il en 1990.
La peinture de Stéphane Bordarier, né à Beaucaire en 1953, s’inscrit pleinement dans la lignée de la famille des peintres défendue par la galerie Fournier qu’il intègre en 1987, parmi lesquels certains acteurs de Supports/Surfaces. S’il assimile dans un premier temps les conquêtes de la peinture américaine, il réalise assez vite des monochromes de couleur pure sans pâte, qui semble flotter dans l’espace grâce à la fine réserve de la toile qui apparaît de manière aléatoire sur chaque tableau. Inlassablement, Stéphane Bordarier étudie les possibilités d’occupation de la toile par la couleur et par le geste : « j’avance l’idée que mon travail ne repose que sur le mouvement qui l’a engendré, que la permanence de son commencement le maintien vivant ».